SAINT ROMAIN EN GIER vu de l’extérieur par un promeneur érudit en 1865.

Extrait de « Promenades autour de LYON, excursions historiques, pittoresques et artistiques dans le Lyonnais, le Beaujolais, le Forez, la Dombe et le Dauphiné» du baron Achille Raverat.

Le contexte de la promenade :

En 1865, le baron d’Empire Achille Raverat, fils d’un soldat anobli et titré par Napoléon 1er en raison de sa bravoure sur les champs de bataille, vient visiter notre village.

Achille Raverat est un érudit et un passionné d’histoire locale, membre de La Diana, (MONTBRISON) une société savante à laquelle il contribue. Il marche beaucoup et muni de son sac à dos et de son bâton ferré, il visite les villages dont il relate ensuite l’histoire dans ses ouvrages.

Il appartient à un milieu privilégié et il a donc une vision un peu hautaine de ce qu’il voit. Mais son point de vue d’en haut est intéressant parce qu’il saisit bien l’essentiel d’un territoire, d’une façon pittoresque.

Ayant soupé puis dormi à l’Hôtel de Provence à GIVORS, il marche en direction de SAINT-ROMAIN EN-GIER en empruntant les berges du canal.

La notice descriptive de SAINT-ROMAIN EN-GIER en 1865 extraite de l’ouvrage ‘’Autour de LYON’’ du baron Raverat :

Je relate presque in extenso la description du village et de ses alentours qu’il donne à l’occasion de cette marche :

‘’Entrons dans la vallée du Gier où sont tracés canal et chemin de fer. Là tunnel, tranchées, écluses, barrages, prises d’eau, ponts, viaducs et autres travaux d’art ont été multipliés pour vaincre les difficultés que présentait un sol saccadé coupé de promontoires et de ravins ; on y trouve aussi beaucoup d’établissements industriels.

La vallée pittoresque et boisée offre un aspect très animé.

Ici c’est le chemin de fer, où de longs convois qui se croisent, en faisant entendre le sifflet de leurs locomotives, passent et disparaissent comme de rapides météores : là c’est le canal dont les eaux tumultueuses s’échappent en cascades par les écluses, ; mais qui habituellement tranquilles servent de véhicules à des bateaux pesamment chargés, traînés à la remorque par des hommes robustes.

Voici maintenant le Gier desséché au profit du canal, mais qui enflé par les orages et lors de la fonte des neiges, vient se jeter tantôt contre les talus du chemin de fer, tantôt contre ceux du canal, comme pour reconquérir cette vallée où il régnait en maître, et qu’ils ont usurpés sur lui ; enfin la vallée est sillonnée par la route impériale*(1) et bon nombre de petits chemins pour le service particulier des mines et des usines.

La vallée est creusée dans une roche composée de micaschiste et de grès houiller,  (…).

SAINT-ROMAIN en GIER (Sautemouche en 1793), le premier village que l’on rencontre en quittant GIVORS est des plus misérables et presque enterré dans un ravin plein de roches et de bois.

Son exposition au nord y entretient une humidité perpétuelle. Tout se ressent de cette misère : agriculture, chemins, maisons, église*(2). Et circonstance qui contribuait encore à assombrir ce tableau lors de notre passage, les bois et vergers étaient littéralement dévorés par les chenilles. C’était à faire pitié…

Le travail des mines de charbons et des usines métallurgiques est l’unique ressource de la majeure partie de la population*(3). Le sol est morcelé par le Gier, le canal, la voie ferrée et les chemins ; mais l’artiste peut y trouver mille sujets capables d’inspirer ses pinceaux.

Avant la Révolution, SAINT-ROMAIN avait un prieuré dont les dîmes étaient perçues par le petit collège de LYON*(4).

En face de SAINT-ROMAIN, de l’autre côté de la vallée on trouve le château de Manne vieux (manoir vieux) qui date du règne de louis XI. Parfaitement conservé, il est habité par la famille Sain qui ajoute à son nom celui de Mannevieux.

En continuant de remonter la vallée sur les berges du canal, on trouve plusieurs ruisseaux descendant de l’un et l’autre versant mais dont les eaux retenues pour le service du canal arrivent rarement jusqu’au Gier.’’

Quatre points particuliers d’éclairage pour comprendre le contenu de la notice :

*1 La route impériale dont il est question est l’actuelle route départementale D 488 tracée en 1824 sous le nom de route royale n°24. Elle n’acquiert l’essentiel de son tracé actuel que dans les années 1840. Quand Achille RAVERAT voit cette route en 1865, c’est donc un axe récent et à l’époque structurant.

*2 Le baron Raverat donne une vision un peu misérabiliste du bourg de ST ROMAIN. En réalité, l’église de ST ROMAIN vient d’être reconstruite en 1856 et 1857 mais cette église neuve apparaît sans doute très modeste au promeneur puisqu’elle est alors dépourvue du clocher et du portique actuels qui ne seront construits qu’au début du XXᵉ siècle.

*3 Quand Achille Raverat dit que les mines de charbon faisaient vivre la majeure partie de la population de Saint-Romain-en-Gier, il faut singulièrement nuancer son point de vue. Les mines de charbon ne constituaient qu’une activité complémentaire pour la population de cette époque qui avait surtout une activité agricole. Le baron Raverat est sans doute un peu prisonnier de ses sources sur ce point-là. Il a dû interroger le maire de ST-ROMAIN-en-GIER de l’époque Monsieur Théodore BROCHIN (maire de 1855 à 1870) patron des mines de charbon d’où cette mention dans la notice qui exagère un peu l’importance économique locale de cette activité.

*4 C’est la première mention écrite de l’existence d’un prieuré à ST-ROMAIN EN GIER que je trouve dans la documentation. Deux personnes m’avaient déjà évoquées oralement l’existence de ce prieuré avant la Révolution, prieuré qui se serait situé autour de l’église actuelle.

Ce prieuré de ST ROMAIN versait donc des dîmes au petit collège de LYON c’est-à-dire au collège tenu alors par les Jésuites, 5 Place du Petit Collège 69 005 LYON (actuellement mairie annexe de Lyon 5ᵉ dans le Vieux Lyon).

Pour conclure, un siècle après l’estampe de Jean de Boissieu (1764), cette notice du baron Raverat a le mérite de saisir sur le vif le village de SAINT ROMAIN en GIER.

Par Florent Villard