Notre CLOCHER

LA CONSTRUCTION DU CLOCHER-BEFFROI DE L’EGLISE DE SAINT-ROMAIN-EN-GIER.

Photographie d'avant la construction du clocher (source: Martine DOREL)
Carte postale des années 1920

I) De 1856/1857 à 1901, un projet de longue haleine sans cesse repoussé faute de moyens financiers.

Faute de moyens financiers suffisants, l’église actuelle de SAINT-ROMAIN-en GIER qui remplaçait une église plus ancienne héritée de la période médiévale, construite entre le 19 juin 1856 et octobre 1857 (consécration de la nouvelle église le 28 septembre 1857) était initialement dépourvue du clocher-beffroi et du porche que nous lui connaissons actuellement.

Pour sonner les heures liturgiques, rythmer la journée de travail à une époque où on ne dispose pas même très souvent d’une montre à gousset et appeler aussi les fidèles aux offices, on avait simplement, ‘’provisoirement’’, installé une cloche dans un clocher-mur ou clocher-pignon au-dessus de la porte principale de l’église.

L’arcade abritant cette cloche est d’ailleurs toujours visible à l’intérieur du clocher actuel. C’est la baie centrale qu’on peut voir sur la photo, arcade désormais rebouchée, encadrée à droite et à gauche par des baies de plus petites tailles.

Ce triplet, c’est-à-dire un ensemble de trois baies, était orné d’une frise toujours visible à l’intérieur du clocher formée d’une alternance de losanges et de ronds rouge.

Juste en dessous de ce triplet, on a, par la suite, installé une marquise, c’est-à-dire une sorte d’auvent monumental pour abriter la porte principale de l’église. On peut encore aujourd’hui repérer l’emplacement depuis l’extérieur de part et d’autre du clocher

Dès le départ pourtant, la paroisse en la personne du curé Monistoux, prêtre de SAINT ROMAIN EN GIER sous le Second Empire, et la Commune ont eu la volonté de munir à terme l’édifice religieux d’une véritable tour de clocher pour des raisons à la fois religieuses et utilitaires.

En 1882, le père Pierre Seguin (1825-1882), un des successeurs du curé Monistoux comme prêtre desservant de SAINT ROMAIN EN GIER, lègue par testament olographe, peu avant son décès la même année, une somme assez importante pour l’époque, de 1000 francs, en vue de la construction d’un beffroi pour l’église. Le père Seguin décède sans avoir vu la réalisation du clocher. Il est enterré dans le caveau des curés au cimetière de ST ROMAIN EN GIER et laisse sa place au père Jean Blanc.

Sous le ministère du père Jean Blanc, le projet avance et aboutit à des premiers travaux de préparation, en vue de l’installation future du clocher.

Ainsi, en 1891, la marquise dont nous avons parlé est démontée et les matériaux issus de la démolition sont vendus au profit de la Commune.

Le projet de clocher-beffroi est ensuite repris par le père Jacques Eustache (1849-1930) qui a succédé comme curé de Saint-Romain-en-Gier au père Jean Blanc, décédé en 1894.

Jacques Eustache est prêtre à SAINT-ROMAIN-EN-GIER jusqu’en 1905. C’est un curé à la fibre plutôt sociale qui deviendra, après 1905, successivement curé de la paroisse alors très ouvrière de Notre Dame de GIVORS-CANAL puis aumônier de l’institut des sourds et muets de LYON-VILLEURBANNE, jusqu’à son décès en 1930.

C’est Jacques Eustache qui, au début du XXᵉ siècle, va mener à bien la construction du clocher de l‘église de SAINT-ROMAIN-EN-GIER.

II) 1901-1903, la construction du clocher-beffroi, œuvre commune de la fabrique et de la Commune dans un contexte national hostile :

Le père Jacques Eustache est aidé en cela par une municipalité favorable au projet, plutôt conservatrice et cléricale, dirigée alors par monsieur Jean-Antoine ASSADAT maire de SAINT-ROMAIN-EN-GIER de 1890 à 1904.

Le contexte politique et religieux national, lui, est très défavorable au projet, car on est alors en plein affrontement exacerbé entre cléricaux (droite) et anticléricaux (gauche), affrontement qui va déboucher sur la loi de séparation de l’Église et de l’État votée en décembre 1905, avec application au 1er janvier 1906.

Le ministère des Cultes, aujourd’hui simple secrétariat dépendant du Ministère de l’Intérieur, dominé par un personnel radical-socialiste et anticlérical diminue drastiquement le financement des édifices religieux. C’est donc essentiellement localement que le projet de construction du clocher est mené à bien.

Deux institutions locales sont à la manœuvre : le Conseil Municipal et la fabrique.

La fabrique est à l’époque une institution qui gère la paroisse et plus particulièrement la collecte, c’est-à-dire les quêtes et le casuel (rétribution des mariages, baptêmes, etc.), l’administration des fonds, le mobilier, le luminaire (les cierges etc.), la construction et l’entretien des édifices religieux c’est-à-dire le presbytère alors propriété de la paroisse depuis sa construction en 1841, l’église et le caveau des prêtres au centre du nouveau cimetière de SAINT-ROMAIN-EN-GIER.

La fabrique de SAINT-ROMAIN-EN-GIER est composée du prêtre qui la dirige, également, de droit, du maire de la Commune et selon les années de 6 ou 7 conseillers de fabriques qu’on appelle aussi fabriciens ou marguilliers, qui sont nommés par le curé et choisis parmi les hommes les plus pratiquants, les plus influents et les principaux propriétaires de la paroisse.

Dans la fabrique de SAINT-ROMAIN en GIER, au début du XXᵉ siècle, on retrouve assez régulièrement les 6 mêmes personnes à savoir : Étienne Peillon, Johanny et Antoine Colombet qui vivent au lieu dit le Moulins. Antoine ou Jean-Antoine Chazal (Chamoys ou Chamouy) qui en plus d’être conseiller de fabrique est également élu au Conseil Municipal. François Bruyas (famille de tuiliers du Four à Chaux). Jean-Baptiste Mas.

La fabrique ressemble dans ses attributions assez aux actuels conseils paroissiaux, sauf qu’à l’époque, en régime concordataire, c’est un établissement public du culte qui travaille en lien étroit avec la Commune.

D’ailleurs en en même temps qu’on examine le budget de la Commune, on vise également les comptes de la fabrique au Conseil Municipal.

Après la construction de la petite sacristie qui se trouve toujours à l’est de l’autel principal en juillet 1901, à l’emplacement d’une ancienne sacristie de surface identique, le Conseil Municipal et la fabrique de SAINT-ROMAIN-EN-GIER, à l’été 1902, se réunissent pour décider de financer et de lancer sans délai les travaux du clocher-beffroi de l’église.

Un budget correspondant de 769 francs 11 centimes est voté.

Les élus municipaux suivants ont voté le projet de construction :  Le Maire M Jean-Antoine Assadat ,Mr Benoit-Etienne Charmy, Mr Pierre Gelas, Mr Ollagnon, Mr Jean-Antoine Chazals, Mr Pichat des Côtes et un autre Monsieur Pichat de Balmont, M Antoine Ballet.

Les travaux s’organisent avec deux acteurs principaux :

On fait d’abord appel à un dénommé Rousset, serrurier à RIVE de GIER (42), avec lequel un traité de gré à gré, c’est-à-dire en direct, est conclu. M Rousset s’engage à fournir la partie métallique du futur clocher, c’est-à-dire l’armature en fer autour de laquelle sera construite le clocher ainsi que le dispositif à l’intérieur supportant le poids des cloches selon le principe classique d’un beffroi. M Rousset s’engage à exécuter les travaux moyennant 50 francs les cents kilogrammes de fer employés.

Mais c’est surtout le second et principal acteur de la construction du clocher qui retient l’attention : La Commune et la fabrique choisissent effectivement Monsieur Nicolas Vernon (1862-1909) de Lyon comme architecte du clocher.

Aujourd’hui à peu près oublié, c’était un des architectes très en vogue de la Belle Époque. Il a à son actif une quarantaine de réalisations surtout des châteaux et hôtels particuliers, des immeubles, un établissement scolaire et même un hôpital. Il a entre autres dirigé la construction des hôtels particuliers qui jouxtent toujours le parc de la Tête d’Or à LYON, boulevard des Belges (LYON 6ᵉ) ou le château du banquier Isaac à Ecully qui est depuis devenu l’institut Bocuse.

Nicolas Vernon doit son succès au fait qu’il n’est pas un innovateur et qu’il a des goûts surtout classiques qui rassurent sa clientèle faite de gens fortunés et de financeurs publics.

Nicolas Vernon va faire édifier à SAINT-ROMAIN-EN-GIER en 1902 et 1903 un élégant clocher, de facture classique, dans le style néo-gothique qui est alors très en faveur.

Il porte son choix sur un clocher-porche qui permet à la fois d’abriter la porte principale, comme l’ancienne marquise (auvent) détruite en 1891 et de supporter en même temps le beffroi et ses cloches, le tout surmonté d’une élégante flèche ardoisée.

Cette flèche est un choix architectural symboliquement fort pour un petit village, dans le genre néo-gothique hérité du Moyen Âge car à la fois la flèche est dressée vers le ciel mais c’est aussi un repère spatial et identitaire qui rassemble les maisons du bourg autour de sa présence.

Ce clocher gracieux et élancé contraste d’ailleurs un peu avec la nef de l’église plus rudimentaire.

Après leur bénédiction le 13 juillet 1902, les quatre cloches sont ensuite installées dans le clocher-beffroi, deux grosses cloches de 1m de diamètre par 1,5m de hauteur et symétriquement deux autres cloches de plus petite taille de 80 cm par 80 cm.

Ces cloches ont été fondues aux ateliers Burdin, 22 rue de Condé à LYON 2ᵉ, en 1901. Les Burdin étaient une célèbre famille de fondeurs de cloches qui écoulaient leur production aussi à l’international et ont, entre autres, fondu le carillon de l’actuel hôtel de ville de LYON.

Les cloches de l’église de SAINT-ROMAIN-EN-GIER sont marquées du nom de prêtre qui les a bénies, le père Jacques Eustache, mais aussi des noms et prénoms de leurs parrains et marraines, c’est-à-dire des personnes qui les ont principalement financées et qui ont été désignées par la fabrique comme dignes, en somme, de participer au rituel de bénédiction des cloches qui s’apparente à celui d’une cérémonie de baptême.

Les donateurs que nous avons pu identifier sur les cloches nettoyées sont les personnes suivantes :

Marie-Antoinette Fond, Benoîte Chazal, Jeanne-Marie Mas, Charles Chazal, Jean-François Pitiot, Georges Ollagnon, Marie Antoinette Chazals et son époux J P Ollagnon.

Sur la cloche la plus basse du clocher, on remarquera que le parrain et marraine sont les personnes influentes de la communauté de l’époque :  la famille Chazal et la famille Ollagnon.

Peu de temps après l’achèvement du clocher en 1903, Jean-Antoine Chazal qui était alors à la fois conseiller municipal et fabricien sera d’ailleurs élu maire de SAINT-ROMAIN-EN-GIER en 1904 (1er mandat 1904-1927 et second mandat 1929-1931).

Les deux autres noms, Pitiot et Fond (orthographié parfois aussi Font) sont également ceux d’anciennes familles de SAINT-ROMAIN-EN-GIER, la famille Fond ou Font ayant entre autres donné un maire de SAINT-ROMAIN-EN-GIER en la personne de Pierre Fond maire en 1814 au moment de la 1ère Restauration de la monarchie puis de 1820 à 1826 sous la seconde Restauration.

De nos jours, le clocher de l’église de SAINT-ROMAIN-EN-GIER est devenu un élément familier du paysage quotidien des saint-romanais. On n’y fait plus guère attention.

Pourtant cet édifice a une histoire singulière, car il a été construit dans une période troublée, juste avant la séparation de l’Église et de l’État, à un moment où ce n’était plus très à la mode d’édifier un ouvrage aussi important pour un petit village.

On peut même penser que si le projet avait encore une fois été repoussé, il n’aurait tout simplement jamais vu le jour…

Par Florent Villard